Cinéma

Le trésor à deux faces – sur Los Delincuentes de Rodrigo Moreno

Critique

Du réalisateur argentin Rodrigo Moreno, nous n’avions vu, en France, qu’El Custodio, sorti en 2007, bon film mais exercice de style assez sec et nihiliste suivant à la trace le garde du corps d’un ministre. Plus de quinze ans après, Los Delincuentes s’attache toujours au destin des « invisibles » et des « petites mains » (en l’occurrence, un duo d’employés de banque), mais sur un mode nettement plus ample et surprenant. Informé du marasme socio-économique de son pays, le film ne verse pas, pour autant, dans la déploration sociale et préfère abattre son vatout dans un éloge du jeu et de l’évasion.

Si les nouvelles venues d’Argentine n’ont rien pour nous rassurer, celles distillées par le cinéma sont régulièrement porteuses d’enthousiasme. On se souvient, à l’orée des années 2000, du décisif La Cienaga de Lucrecia Martel (2001) ou, en 2019, du feuilleton La Flor de Mariano Llinás, distillé en quatre longs-métrages, entremêlant récit d’espionnage, traité arboricole et répétitions théâtrales, émanation du collectif El Pampero Cine qui a également proposé, en 2023, Trenque Lauquen de Laura Citarella, jeu de piste en diptyque autour d’une femme disparue.

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Rodrigo Moreno ne fait pas, au sens strict, partie de ce collectif, mais il en partage nombre de convictions : le goût d’une narration-gigogne, les récits basés sur des énigmes et des indices qui invitent à décrypter le quotidien, et de fait, à le réinterroger, et le sens d’une durée hors-cadre mais maîtrisée, donnant naissance à des films longs, mais où, pour reprendre un vieil adage, on ne sent pas le temps passer.

De l’équation à l’énigme

Los Delincuentes se donne 190 minutes pour résoudre une équation : calculer la somme d’argent dont on aurait besoin pour ne plus jamais avoir à travailler. À vrai dire, le calcul est rapidement effectué. C’est celui qui est né dans la tête de Moran, modeste employé de banque à Buenos-Aires. Descendant, à chaque fin de journée, dans la salle des coffres, il doit être l’un des seuls citoyens argentins de la classe moyenne à manipuler quotidiennement d’importantes liasses d’argent liquide. Dans un pays en pleine crise économique, il y a de quoi être saisi d’un vertige.

De fait, la suite du plan est simple et consiste en une toute personnelle réforme des retraites. Subtiliser les 650 000 dollars nécessaires, correspondant à l’ensemble des salaires touchés d’ici la fin de son existence. Fois deux. Car Moran met devant le fait accompli, son collègue et ami Ramon, en lui demandant de planquer le magot, le temps qu’il purge sa peine. Une fois ce petit purgatoire légaliste pa


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